La drépanocytose est l’affection génétique la plus fréquente dans le monde et 80% des cas se situent en Afrique. Dans certains pays d’Afrique tropicale,10 à 20% des habitant·es sont porteur·ses du gène et 0,5% auront la maladie s’ils sont homozygotes, c’est-à-dire porteur·ses de 2 gènes de l’affection, un porté par la mère et l’autre par le père. La moitié des malades décèdent avant 5 ans si l’accès aux soins est limité comme souvent en Afrique.
En Mauritanie, Santé Sud travaille depuis 2012 sur cette maladie (sensibilisation, formation, dépistage) avec l’ASDM, association de patient·es ou familles touchées par la drépanocytose.
L’ASDM a organisé un colloque ce mois de juin 2023 afin de réfléchir sur l’opportunité d’un dépistage obligatoire de gène de la maladie lors de l’examen prénuptial. Peu de pays l’ont rendu obligatoire (le Bénin) sans toutefois interdire le mariage. Certaines églises chrétiennes interdisent le mariage de 2 porteurs du gène au Congo. L’iman présent lors du colloque souhaitait ce dépistage obligatoire afin de conseiller simplement les futurs parents.
Pour certains parents de patient·es, la souffrance d’élever un malade et souvent de le voir mourir, les pousse à vouloir interdire ces mariages. Il s’agit bien d’une question éthique, philosophique, culturelle, voir religieuse qui concerne en dernier lieu chaque famille. La connaissance de son statut avant d’avoir un projet d’enfant est importante.
Un dépistage obligatoire pourrait se faire, comme dans certains pays et à St Louis du Sénégal, chez le nourrisson et chez la femme enceinte. Du fait d’un sous-diagnostic de cette maladie, il convient d’y penser également lors de tout épisode de douleurs, d’anémie, de malnutrition, d’infection…
Pour évaluer l’importance actuelle du problème en Mauritanie, Santé Sud a débuté une enquête sur un échantillon représentatif de la population à Nouakchott chez les enfants venant pour une vaccination (de la naissance à un an environ) ; elle se poursuivra dans les 5 wilayas du Sud en octobre et si possible en 2024 dans les 5 wilayas du Nord moins peuplés et moins touchés par la maladie. 2 wilayas sont pour l’instant exclues de l’étude car en zône rouge près du Mali (environ 20% de la population du pays). Les premiers résultats montrent une fréquence élevée du gène dans les 3 wilayas de Nouakchott peuplée en majorité de populations non maures, environ 12%.
Patrick Baguet, médecin généraliste et épidémiologiste, spécialiste en médecine tropicale et en santé publique et expert Santé Sud.