Les fistules obstétricales touchent encore de nombreuses femmes en Afrique. En 2021, l’UNFPA estimait ainsi qu’au moins 500 000 femmes vivaient avec une fistule dans 55 pays. En tant que complication obstétricale et affection invalidante exclusivement féminine, la fistule obstétricale constitue l’une des conséquences visibles et évitables des inégalités de genre dont sont victimes les femmes, notamment les femmes à l’intersection de plusieurs rapports sociaux de domination, durant leur parcours de santé sexuelle et reproductive.
La fistule obstétricale est une communication anormale entre le vagin et la vessie et/ou le rectum faisant le plus souvent suite à un travail d’accouchement long et difficile, généralement loin de toute assistance médicalisée. Elle est caractérisée par des écoulements permanents d’urines, parfois des émissions de gaz, voire de selles, et entraîne une souffrance physique, psychologique et sociale pour les femmes qui en sont atteintes. En raison du manque d’accès aux soins, de la pauvreté et de pratiques socio-culturelles néfastes pour la santé des femmes (mariage d’enfants, grossesses précoces et/ou rapprochées), les fistules touchent plus particulièrement les femmes vivant dans des zones rurales, pauvres et enclavées.
Les grossesses précoces, rapprochées et non-suivies médicalement, ensemble de facteurs marqués par des déterminants de genre, constituent un terreau favorable à leur survenue. Durant l’accouchement, lorsqu’il est pris en charge en établissement de soin, le manque de ressources humaines correctement formées et/ou de plateaux techniques adaptés favorisent à leur tour la survenue de fistules obstétricales. Un travail obstétrical anormalement prolongé, des pratiques cliniques inadaptées, parfois dangereuses, de la part des agent.es de santé pourront à ce titre être définis comme des violences gynécologiques et obstétricales. Après l’accouchement, une femme atteinte de fistule obstétricale est susceptible d’être rejetée par son conjoint et sa famille, stigmatisée et isolée. Ces femmes sont placées dans une situation d’extrême vulnérabilité économique, sociale et sanitaire qui les expose à des risques accrus de violences et de co-morbidités. Les fistules obstétricales font ainsi partie du continuum de violences de genre vécues par les femmes. Un meilleur accès à des soins de qualité est donc une nécessité pour ces femmes.
Les lésions liées à la fistule obstétricale sont réparables. L’accès à la réparation chirurgicale est néanmoins un défi, faute d’identification active des femmes atteintes au sein des communautés, de structuration de la chaîne de prise en charge et de ressources humaines formées à la réparation chirurgicale.
En Mauritanie, Santé Sud s’est engagée à renforcer l’accès à la prise en charge des fistules obstétricales dans le cadre du projet Temeyouz, conduit par Expertise France. En effet dans ce pays, où l’on estime que pour un tiers de la population l’accès aux soins est limité, les fistules obstétricales toucheraient entre 150 et 300 nouvelles femmes chaque année, et la grande majorité ignore que cette affection peut être réparée. Les chirurgiens spécialistes sont rares et se trouvent à Nouakchott, capitale de la Mauritanie, située à plusieurs centaines de kilomètres des zones rurales où la prévalence des fistules obstétricales est la plus importante. Les femmes atteintes de fistules obstétricales ne peuvent s’y rendre en raison de leur vulnérabilité économique et des conséquences leur incontinence, mais également à cause du manque d’information concernant la possibilité et la disponibilité des soins.
Depuis 2020, Santé Sud renforce la qualité des soins de santé primaires en santé sexuelle, reproductive et infantile dans les régions rurales de trois régions du sud et de l’ouest du pays (Guidimakha, Assaba, Hodh El Gharbi). Pour favoriser la prise en charge des fistules obstétricales, Santé Sud a conduit une étude de santé publique sur sa prise en charge dans le pays. Au sein d’un consortium réuni par Médicos del Mundo, Santé Sud met en œuvre actuellement les recommandations de cette étude à travers la formation de ressources humaines médicales à la réparation chirurgicale.