Une installation soutenue par la communauté
En janvier 2006, j’ai pu concrétiser un projet ambitieux grâce au soutien de Santé Sud : installer en activité libérale un cabinet médical communautaire dans la localité rurale de Mahalavaolona dans la région Bongolava, là où l’accès aux soins était jusque-là extrêmement limité. Avec ma femme, nous avons d’abord aménagé une maison qui nous a été mis à disposition par la communauté en cabinet médical, répondant aux besoins immédiats de la communauté. Très vite, les habitants, voyant l’impact positif de notre présence, se sont mobilisés pour construire un véritable bâtiment, marquant ainsi la naissance de notre premier centre médical.
L’évolution des services et des infrastructures du cabinet médical communautaire
Au fil des années, notre activité s’est intensifiée, entraînant la nécessité d’agrandir nos locaux. En 2016, nous avons étendu le cabinet pour répondre à la demande croissante et avons recruté une sage-femme pour étoffer nos services gynéco-obstétricaux. Aujourd’hui, le cabinet continue de s’agrandir, avec une nouvelle extension pour améliorer encore nos infrastructures.
Le soutien de partenaires comme Santé Sud, l’Aide Odontologique Internationale (AOI), DataSanté et la commune a été crucial. Grâce à leurs financements, nous avons pu moderniser nos locaux en ajoutant une salle de stérilisation, carrelant les bâtiments, installant l’eau courante et créant des espaces dédiés aux patients et accompagnateurs. La collaboration communautaire reste au cœur de chaque étape, avec des consultations régulières auprès des notables du village pour veiller à ce que nos actions soient en phase avec les besoins locaux.
Mon engagement auprès de la communauté s’étend au-delà de la pratique médicale. Bien que je réside près de la route goudronnée pour permettre à mes enfants d’accéder à de meilleures écoles, je me rends au cabinet au moins trois fois par semaine. Les liens tissés avec la population et la confiance mutuelle font que, même en ayant proposé qu’un autre médecin me remplace pour être présent plus souvent, les habitants ont tenu à ce que je reste.
Aujourd’hui, notre cabinet dessert environ 8 000 personnes dans un rayon de 25 km, avec 200 consultations externes et 30 consultations prénatales chaque mois. Nous continuons à relever les défis de la santé en zone rurale, qu’il s’agisse des pathologies courantes (grippe, pneumonie, paludisme) ou des besoins spécifiques comme la santé maternelle.
Nous avons intégré des innovations pour améliorer nos services, telles que l’échographie obstétricale avec VSCAN, introduite en 2023, qui permet d’affiner les diagnostics et d’offrir une meilleure prise en charge aux femmes enceintes. De plus, notre collaboration avec DataSanté, initiée en 2009, nous a permis de digitaliser nos dossiers médicaux pour un suivi optimal des patients.
Enfin, notre site est également un lieu de formation pour les futurs médecins. Depuis peu, nous accueillons des stagiaires de l’Université Laval au Canada, ce qui enrichit notre expérience tout en renforçant les compétences médicales en milieu rural.
L’AMC-MAD, l’association des médecins communautaires de Madagascar
Depuis 2018, je suis le président de l’association des médecins communautaires de Madagascar (AMC-MAD). J’ai entamé récemment mon second mandat de 5 ans.
Notre association compte 56 membres, toutes et tous étant ou ayant été médecins généralistes communautaires (MGC) en zone rurale.
L’objectif principal de l’association est de mettre en réseau les MGC, de favoriser les échanges de pratiques et de renforcer les compétences pour offrir des soins de toujours plus grande qualité aux populations rurales.
Il s’agit également de promouvoir l’importance de la médecine communautaire auprès des partenaires institutionnels et du système de santé et d’encourager l’installation de nouveaux MGC dans les villages trop éloignés de soins de qualité.
L’association souhaite ainsi se positionner comme spécialisée dans la dimension communautaire, qui est essentielle pour établir des liens forts avec les communautés.
Elle est depuis quelques mois partenaire du projet Bien Naître, porté par Santé Sud. Cela va permettre à l’AMC-MAD de monter en compétence sur la gestion et la planification de projet. C’est également une belle occasion de renforcer ses compétences en pratiques administratives et financière ainsi qu’en programmation et mise en œuvre d’activités.
Il est nécessaire de défendre la santé communautaire à Madagascar
Mon histoire montre combien la collaboration et l’engagement de chacun peuvent transformer l’accès aux soins en milieu rural.
Grâce à l’initiative de Santé Sud, au soutien de DataSanté et à la mobilisation de la communauté, un simple cabinet médical est devenu un véritable centre de santé. Cela nous rappelle que la santé communautaire est une responsabilité collective : en unissant nos efforts, nous pouvons faire une réelle différence.
De plus, mon expérience montre que la pratique de la médecine communautaire en activité libérale est possible et pérenne dans les zones rurales de Madagascar. C’est une réponse aux déserts médicaux que sont les régions les plus isolées de notre pays, qu’il serait très intéressant de développer davantage dans les prochaines années.